Archives de l'Aide-mémoire>Aide-mémoire n°83

« Brouillard en août »

Par Jean-Louis Rouhart

Nebel im August

Parmi les réalisations qui ont du mal à trouver une distribution en France et en Belgique, on peut citer le film du metteur en scène allemand Kai Wessel « Brouillard en août » (Nebel im August), sorti en 2016 et qui mériterait d’être mieux connu.

Le film illustre en effet un des aspects pervers du national-socialisme, à savoir la politique d’eugénisme pratiquée dans les établissements hospitaliers du Reich. On considère que 70.000 adultes et 5.000 enfants, classés comme étant « indignes de vivre », furent les victimes de la politique d’euthanasie pratiquée par les dirigeants nazis.

Le personnage principal du film, un garçon de 13 ans, interné dans un établissement psychiatrique en tant que « Yéniche »[1], soi-disant « difficilement éducable », découvre rapidement de quelle manière les malades de son institut sont éliminés, tente en vain de s’enfuir et est finalement assassiné par une infirmière qui lui administre en souriant une dose mortelle.

Sont insérés dans le film des épisodes qui apportent des moments d’humanité, par exemple l’amitié entre le garçon et une autre patiente de l’institut, ainsi que le sauvetage d’une petite fille ayant déjà été désignée pour recevoir l’injection mortelle. Le film convainc par son approche sobre et pleine de retenue et parvient à rendre cette réalité historique, sinon tout à fait compréhensible, du moins visible.

Le film a été tourné d’après un roman, qui lui-même repose sur des faits authentiques. L’infirmière, qui œuvrait dans l’institution en tant que spécialiste de ces meurtres commis en toute discrétion, fut condamnée après la guerre à quatre ans d’emprisonnement, mais elle ne purgea que le quart de sa peine. Quant au directeur de l’institut qui avait développé le concept « progressiste » de l’« assistance ouverte », il fut l’un des défenseurs les plus éminents de l’Aktion T4 (programme d’euthanasie) pour les personnes handicapées. Sous sa direction fut développée également la notion de « nourriture de privation », qui consistait en un potage de légumes qui perdait sa valeur nutritive au fur et à mesure qu’on la réchauffait. Les patients mouraient en peu de temps des suites d’une insuffisance alimentaire. Le directeur en question fut condamné à une peine de réclusion de trois ans, mais n’exécuta jamais sa peine.[2]

  1. Les Yéniches sont des personnes appartenant à un groupe ethnique semi-nomade d’Europe. Ils ont leur propre langue. Du fait de leur vie nomade, ils sont souvent assimilés aux Roms.
  2. D’après un article de Gabriele Prein paru dans la revue Informationen.Wissenschaftliche Zeitschrift des Studienkreises Deutscher Widerstand, 1933-1945, n° 84, nov. 2016, n° 2, p. 35-36.