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À propos d’une exposition à Berlin sur Luther et le national-socialisme

Par Jean-Louis Rouhart

Martin Luhter

À l’occasion du 500e anniversaire de la Réforme, le centre de documentation berlinois « Topographie des Terrors » (Topographie de la Terreur) organise jusqu’au 5 novembre 2017 une exposition basée sur la réception des thèses de Martin Luther en Allemagne durant la période national-socialiste et l’utilisation des écrits antisémites du réformateur à des fins de propagande par le régime nazi.

On sait que Martin Luther, déçu par le fait que les communautés juives ne reconnaissaient pas la « vraie foi » et ne se convertissaient pas aux idées de la Réforme, rédigea à la fin de sa vie des traités virulents à l’égard des Juifs (Des Juifs et leurs mensonges). Ces écrits furent exploités par les feuilles de propagande nazie comme le Stürmer et médiatisés dans des productions théâtrales et cinématographiques et lors d’expositions à caractère raciste. Ils servirent à justifier les actions violentes entreprises à l’encontre de la population allemande de confession juive ainsi que le génocide qui s’en suivit. À l’époque, Luther apparaissait comme une figure de guide d’union nationale : le mouvement des « chrétiens allemands » voyait dans le régime nazi « l’accomplissement de la Réforme allemande dans l’esprit de Martin Luther ».

Selon les curateurs de l’exposition, cet aspect sombre du réformateur allemand ne pouvait rester dans l’ombre durant cette année de commémorations, de même que l’implication de l’église luthérienne dans l’effort de guerre et la politique de conquête des nazis. On songe ici – mais pas seulement – à la participation des pasteurs protestants en tant qu’aumôniers dans l’armée allemande.

Toutefois, comme le révèle le titre de l’exposition Überall Luthers Worte (« Partout des paroles de Luther »), cette exposition fait également référence à une lettre du théologien protestant Dietrich Bonhoeffer dans laquelle il écrit qu’il voit des paroles de Luther affichées partout en Allemagne, mais qu’elles sont « transformées en mensonges ». Le pasteur, qui fut assassiné en 1945 au camp de Flossenbürg, s’appuyait sur les écrits de Luther pour revendiquer le droit à la résistance contre un régime qui lui apparaissait comme un régime de « non-droit ». En complète opposition avec les dirigeants de l’Église luthérienne de l’Allemagne de l’époque, il souhaitait non seulement pouvoir citer librement les paroles de l’Évangile, mais affirmait également que « l’Église n’est réellement Église, que quand elle existe pour ceux qui n’en font pas partie » et postulait le « devoir inconditionnel de l’Église envers les victimes de tous les systèmes sociaux, même s’ils n’appartiennent pas à la communauté des chrétiens ».

Pour plus de renseignements sur cette exposition, voir en anglais : http://www.topographie.de/en/exhibitions/special-exhibitions; et sur Bonhoeffer en français : https://fr.wikipedia.org/wiki/Dietrich_Bonhoeffer.