Le retour au pays de Jossel Wassermann
Par Jean-Paul Bonjean
Hilsenrath est un auteur fabuleux ! Voilà bien une bonne raison de le chroniquer alors même qu’il n’a aucune actualité si ce n’est une réédition avec une nouvelle traduction au Tripode pour saluer l’anniversaire de ses 90 ans. Pour ceux qui ont lu Nuit ou Orgasme à Moscou ou encore Fuck America, il est nécessaire et évident de poursuivre la découverte de cet auteur juif qui sait mêler le désespoir le plus sombre à l’humour décalé le plus piquant.
Le retour au pays de Jossel Wassermann allie avec bonheur ces deux aspects en développant le récit de vie du personnage éponyme. Plein de petites histoires sur fond de la grande Histoire. Cascade d’anecdotes et de scènes de la vie des juifs d’un shtelt (village juif de l’Europe de l’Est). Splendeurs et misères du quotidien d’une communauté vouée à disparaître.
La logique juive a pour vertu de déconcerter la rationalité cartésienne de l’occidental tout en la poussant jusqu’à une certaine absurdité. Cette méthode prend un tour particulièrement émouvant si on la met dans la perspective historique que l’on connaît. La mémoire de ces scènes de village ne sera plus portée que par le vent que fend le wagon qui emporte toute la communauté vers son destin.
Le retour au pays de Jossel Wassermann est celui d’un cadavre et du vœu de voir le shtetl reprendre vie au travers de l’héritage mémoriel. Mais la césure est trop forte et seule la poésie permettra de réconcilier les espoirs de l’auteur avec son histoire.