Archives de l'Aide-mémoire>Aide-mémoire n°76

Le sexe d’un seul regard

Par Jean-Paul Bonjean

Dans son livre, Chahdortt Djavann mène une courte réflexion romancée autour du statut de la prostituée dans les pays orientaux (Iran) et, plus largement, de la femme dans les pays musulmans. En croisant les fils des destins parallèles de deux jeunes filles, l’auteure égrène les situations chaotiques de ces femmes qui jalonnent régulièrement la chronique nécrologique dans l’indifférence la plus totale, y compris celle des autorités judiciaires.

Les putes voilées n'iront jamais au Paradis ! Chahdortt Djavann

En toile de fond, l’auteure interroge la sexualité des femmes et l’incroyable hypocrisie qui entoure le sujet et le relègue dans les tabous absolus. Hypocrisie car le plus vieux métier du monde s’exerce au su de tous, tous feignant l’ignorance. Les mollahs eux-mêmes jouent de leur influence religieuse pour tordre les interprétations qui leur permettent de forniquer en toute légalité grâce au système de la sigheh[1] (certains vont même jusqu’au proxénétisme !)

Au final, on obtient des portraits de femmes au service de la thèse de l’auteure, peut-être au détriment de l’épaisseur narrative du récit. La succession de ces profils féminins évoqués sous l’angle de la mort et du sexe ne se lie pas en intrigue policière mais se présente au bout du compte comme un réquisitoire à charge de l’islam.

Sans fausse pudeur, le bouquin, que les féministes apprécieront diversement, a le mérite de porter un éclairage sur un sujet d’actualité un peu partout dans le monde. « Ce sont les conditions dans lesquelles ce métier est exercé qui sont très souvent condamnables et non pas la vente du plaisir sexuel en soi ». Voilà qui alimente certainement, en une perspective plus large, le débat autour de la prostitution et de sa possible légalisation en nos propres contrées.

Chahdortt Djavann, Les putes voilées n’iront jamais au paradis !, Paris, Grasset, 2016.

  1. La sigheh consiste à contracter un mariage temporaire musulman pour une durée déterminée convenue entre les époux (parfois une heure !). Cette institution pré-islamique est toujours reconnue par les chiites, minoritaires.