Les Amnésiques Géraldine Schwartz

Une recension proposée par Olivier Starquit

© Creative commons (collection personnelle de Géraldine Schwartz.)
© Creative commons (collection personnelle de Géraldine Schwartz.)

Dans Les Amnésiques, la journaliste franco-allemande, Géraldine Schwartz, se penche, à travers l’évocation de la manière dont sa famille allemande a traversé la Seconde Guerre mondiale, sur ce qu’elle appelle les Mitläufer (littéralement « ceux qui marchent avec le courant », qui accompagnent somme toute), soit cette majorité d’Allemands qui ont fait avec, sans réellement s’opposer à la montée du national-socialisme. Ainsi, son grand-père adhéra au parti national-socialiste et acheta, au-dessous de sa valeur, l’entreprise d’un homme d’affaires juif forcé de fuir. Par le truchement de son histoire familiale, l’autrice interroge la responsabilité du peuple allemand de cette époque, et de ce qu’il en advint dans la mémoire collective. Son ouvrage mène une réflexion profonde sur la Vergangenheitsbewaltigung, la « gestion du passé », tant en France qu’en Allemagne. Ainsi souligne-t-elle qu’il fallut attendre 1973 et les recherches de l’historien américain Robert Paxton pour avoir le fin mot sur l’ampleur de la résistance en France… ramenant à 2%, soit à quelques milliers, le nombre de résistants actifs.

Cet essai dense et vif, reposant sur une vaste documentation, alerte sur le glissement dans lequel les démocraties peuvent tomber en raison de l’immobilisme, de la passivité des citoyens qui se contentent de suivre, de se conformer à la loi du moment, et de regarder passivement les atteintes portées à autrui et aux libertés fondamentales. Il n’est guère difficile de voyager dans le temps, et de porter un regard sur les faits qui couvent ici et maintenant : la montée de l’extrême droite un peu partout, et l’indifférence au sort d’autres êtres humains à la recherche d’une vie meilleure.

Une lecture salutaire.

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