Le mot « espoir » porte le désir d’agir pour changer les choses : nécessité d’une résistance à un monde marqué par l’ultralibéralisme, l’extrême droite, et une inégalité sociale croissante à l’échelle planétaire. Ce qui me porte aujourd’hui tient du passé et du présent.

Ma jeunesse, post 1968, a été marquée par un contexte de situations révolutionnaires, chute des dictatures en Espagne et au Portugal, montée des luttes anti-impérialistes, et aussi par le développement du mouvement féministe. J’en ai gardé l’espoir de la possibilité d’un autre monde. Même quand l’austérité a débuté dans les années 1980, quand le « There Is No Alternative » de Margaret Thatcher écrasait les luttes des mineurs en Angleterre, ou quand les vautours dépeçaient notre sidérurgie ! En Belgique, nous avons connu un extraordinaire mouvement social avec des grèves, des manifestations, tant dans le secteur public que privé, qui se renforçaient mutuellement. C’était l’époque des « piquets volants », des marches à Bruxelles des travailleurs et travailleuses, chômeurs, chômeuses. Aussi l’espoir d’un projet vraiment socialiste. En 1988, j’ai participé à une brigade « Fgtbistes pour le Nicaragua » en soutien à la révolution sandiniste.
Un autre passé reste en moi, que j’ai enseigné à mes élèves du secondaire, celui des résistances, notamment en visitant des lieux de mémoire, avec Paul Brusson, infatigable passeur de mémoire, et avec les Territoires de la Mémoire : « N’acceptons pas aujourd’hui ce que nous dénonçons pour hier », mon fil rouge de défense des Droits Humains à partir du 50e anniversaire de la libération des camps nazis, qui m’a aussi engagée dans l’antifascisme !
Des acquis du mouvement féministe auquel j’ai participé m’aident encore à militer. Tout d’abord, libérer la parole, la donner à celles et ceux qui en sont privé·es. Ensuite, gérer démocratiquement la militance, refuser l’autoritarisme et la bureaucratie. Aussi, allier pratiques et théorie. Par exemple au début du mouvement pour la dépénalisation de l’avortement, l’ouverture de centres extrahospitaliers pratiquant illégalement des interruptions volontaires de grossesse a fait basculer la situation… Enfin, ne pas séparer vie privée et vie publique/militante. Agir dans sa vie privée, sa vie professionnelle, sa vie militante, en cohérence avec ses valeurs. Compliqué, mais l’engagement se vit au quotidien. Par exemple, en n’étant pas nécessairement l’enseignant.e « neutre » que certain·es voudraient, ou en s’engageant comme délégué·e syndical·e… Il s’agit également de remettre en cause les rapports de domination qui peuvent exister dans la sphère privée.
Il y a les désillusions politiques après les révolutions à l’est contre le stalinisme : on espérait l’avènement d’un socialisme démocratique qui n’a pas pu se concrétiser. Cependant, aujourd’hui, alors que le trumpisme nous assène une volée de coups de massue, une nouvelle gauche émerge et se renforce, à la fois sur le plan politique et dans la convergence des luttes, en France, en Belgique, et ailleurs. Elle doit encore grandir, et elle peut tirer les leçons du passé pour construire une société éco-socialiste. Au moment de la pandémie Covid, de nouvelles militances jeunes se sont développées, associant solidarité et exigences de démocratie à la base. Les luttes sociales, féministes, écologistes, antiracistes, et celles de tous les « sans » (sans-papiers, sans travail, sans logement…) s’articulent !
Tenir bon en 2025 ? La résistance de celles et ceux qui se battent contre la guerre, contre toutes les formes d’oppression, contre la misère, l’exploitation du Sud par le Nord, partout dans le monde, particulièrement aujourd’hui celle du peuple palestinien…, nous donne un devoir moral de tenir. À chaque instant des résistant·es, ici et ailleurs, disparaissent ; elles et ils nous appellent à poursuivre leurs luttes.
Agir dans sa vie privée, sa vie professionnelle, sa vie militante, en cohérence avec ses valeurs
Je suis engagée dans le soutien aux « sans-papiers ». À Liège, en mars 2025, ce sera le 26e triste anniversaire du centre fermé pour étrangers de Vottem : plus de deux décennies d’enfermement, d’expulsions, de déni des droits pour les personnes qui ont fui les insécurités générées notamment par ce monde capitaliste et néocolonial. Ce combat à Liège du CRACPE (Collectif de Résistance Aux Centres Pour Étrangers), entre autres, est mené par de plus en plus de personnes, il fédère le monde associatif, des citoyen·nes… Des initiatives se prennent dans des écoles… Il y a des hébergeurs et hébergeuses, un soutien syndical (dont la mise en place de l’École des Solidarités de la FGTB), des actions innovantes et solidaires, comme le filet, cette œuvre collective à l’initiative de Bénédicte Moyersoen, réalisée à partir de colsons et disposée Place Saint-Lambert à Liège, et ensuite à Bruxelles : « Tissons des liens, pas des menottes ». Les « sans-papiers », dont la Voix des Sans-Papiers de Liège, ont pris leur sort en main, mené des occupations, interpellé les responsables politiques, avec un courage énorme. Ce qui me porte, avec notre collectif qui milite depuis si longtemps, chaque jour, c’est aussi de petites victoires, quand une personne sans-papiers est régularisée, échappe à l’expulsion… quand on obtient des engagements de la Ville de Liège qui devient Ville Hospitalière en 2017, ce qui permet, pas à pas, et beaucoup reste à faire, d’engranger des avancées, grâce à un collectif associatif, le Collectif Liège Ville Hospitalière, qui ne lâche rien !
La lutte antifasciste, tout le travail de sensibilisation quant aux barbaries du passé et du présent, dans la partie francophone du pays, a porté ses fruits, même si la droite s’aligne de plus en plus sur les thèses racistes et antisociales de l’extrême droite. Cela va continuer, avec nous, les plus âgé·es, et les plus jeunes très déterminés.
En 2025, travailleurs et travailleuses se mobilisent ; les enseignantes et enseignants se battent pour nos enfants, comme dans les années 90 !
Quand du découragement te guette, les amitiés, forgées au fil de toute une vie, et dans la solidarité, sont là, les sourires des compagnons et compagnes de lutte, des enfants, l’étonnement amusé – ou excédé – des proches qui continuent à te soutenir ; la beauté de la nature sous toutes ses formes, le soleil, les saveurs, les odeurs, la musique, pour des moments d’émerveillement…