Cimetière du Père-Lachaise à Paris, le vendredi 16 juin 2017. En compagnie d’une petite délégation des Territoires de la Mémoire, j’assiste à la réinhumation de la dépouille du photographe et militant républicain espagnol Francisco Boix. Décédé en 1951, combattant de la guerre d’Espagne puis rescapé du camp de Mauthausen où il fut déporté en 1941, il joua un rôle dans le sauvetage de clichés du camp qui serviront ensuite de pièces à conviction lors des procès de Nuremberg. Autour de moi, la foule est dense : des centaines de personnes ont afflué, munies de drapeaux, d’oriflammes et de bouquets, tout cela paré de rouge, de jaune et de mauve, les couleurs de la Seconde République espagnole assassinée par Franco en 1939. Ce sont de multiples générations qui m’entourent, tous descendants des vaincus de l’Histoire, et qui, debout à travers le temps, continuent de brandir les couleurs du combat et des valeurs de leurs aïeux.
Cette scène m’a profondément marqué. Depuis lors, je la perçois comme la parfaite illustration de l’esprit de résistance et de résilience qui continue à animer de nombreux peuples, ou groupes d’hommes et de femmes, de tous temps et en tous lieux. Des groupes qui, alors que tout semble perdu, ont persisté – et persistent – dans leur volonté de faire valoir leurs droits, leurs valeurs, leur mémoire ou tout simplement leur existence.
Le présent numéro s’inscrit, beaucoup plus modestement certes, dans cet état d’esprit. Ici, nous interrogeons les individus, les citoyens, sur ce qui les fait tenir dans leurs engagements et leurs combats pour un monde qu’ils et elles veulent meilleur. Nous leur demandons d’exprimer ce qui continue de les animer, ce qui les motive à repousser le découragement voire à surmonter le désespoir. De quoi s’inspirer les un·es les autres, et rappeler à chacun qu’on ne résiste jamais seul·e.
Rappeler également la nécessité d’une posture d’humilité. Car s’il est vrai que de lourds nuages semblent s’amonceler sur notre horizon, ce sont des ténèbres quasi totales qui ont pu s’abattre sur d’autres avant nous, ou ailleurs dans le monde. Nous n’en sommes pas là et pouvons encore espérer ne jamais l’être. En attendant, nous tâchons de tenir !