Archives de l'Aide-mémoire>Aide-mémoire n°69

Ivresse de la révolte

Par Jean-Paul Bonjean

Sous la forme d’une incantation des banlieues en feu, ce qui se présente comme un roman joue avec les genres et flirte avec le documentaire. Loïc Merle, prof à Argenteuil, a côtoyé les soulèvements de 2005 lorsque tout s’enflammait dans les rues et dans les esprits.

Tragédie en quatre actes, le premier morceau évoque Monsieur Chalaoui et ses déambulations dans une cité où les regards se croisent sans oser tout se dire. « C’était la fin des jours anciens » y résonne comme le chœur d’un combat épique avec ses fragilités, ses retournements et sa fatalité.

En contrepoint aux émeutes, la deuxième partie poursuit le chant des pavés au travers de Clara, ex-copine d’un émeutier, qui agite le Comité des femmes révolutionnaires. On la retrouvera à la fin du récit avec un enfant qu’elle n’élèvera pas, prise qu’elle est dans un rêve plus fort que la réalité. C’est ici l’essence de cette ivresse particulière qui anime mais aussi rend impuissants tous les protagonistes de ces destinées découpées.

La fuite du Président prend alors des accents introspectifs nourris de frustration entre la mère et l’enfant pour cheminer mélancoliquement vers une nostalgie qui occulte l’impuissance d’agir ici et maintenant.

Un livre fort, un livre exigeant, un livre toute en force contenue_._

Loïc Merle, L’esprit de l’ivresse, Actes Sud, 2013, 22 €