
Élections en Belgique, en Italie, en France… et l’extrême droite grignote un peu, beaucoup, par-ci, par-là, gagnant du terrain, engluant au passage les valeurs humanistes et les droits fondamentaux, tout en normalisant des discours discriminants et liberticides. Certain·es voient cette montée comme une vague ; je la vois plutôt comme une tempête de sable avec des grains qui enrouent tous les mécanismes démocratiques et qui seront difficilement retirables. Comment trouver l’énergie d’œuvrer à ce travail de titan ou plutôt de fourmi, afin d’ôter tous les grains accumulés ?
La force vient parfois d’évènements inattendus.
Au détour d’une jolie rencontre, dans un événement politique, j’ai la chance d’être invitée à participer au fameux Festival de l’Humanité, celui dont plusieurs ami·es m’avaient parlé avec un regard brillant d’une certaine lueur qui m’a toujours intriguée.
Me voilà donc embarquée, avec une complice de toujours, dans un car vers la région parisienne, pour la 89e édition de cette fête. Sous le soleil, ce qui ne gâche rien.
Arrivées sur le lieu du festival, les chocs sont nombreux. Premier ébahissement, l’intergénérationnalité. Les jeunes, festivaliers aguerris, côtoient les aîné.es dont certain.es approchent un âge à trois chiffres.
Deuxième choc, le prix de la nourriture et des boissons. L’objectif n’est clairement pas de faire des profits abusifs. Toasts au chèvre et petite coupe de champagne – oui, oui, de champagne ! – et nous voilà revigorées pour aller écouter Angela Davis.
Nous ne sommes pas les seules à vouloir l’écouter et la foule s’agglutine sur le lieu du débat. Et là, troisième surprise, des jeunes gens laissent passer mon amie devant eux parce qu’elle est plus petite.
Les étonnements se sont succédés tout au long du week-end. Ici, pas de barrière, pas de jugement : juste des individus rassemblés par une même aspiration à un monde plus juste, plus solidaire.
Le programme, d’une richesse impressionnante, m’a laissée admirative. Entre les conférences captivantes, les stands abordant des sujets difficiles, avec un emplacement dédié au peuple palestinien et les concerts vibrants d’artistes engagés, il y avait de quoi nourrir l’esprit autant que le cœur. Les interventions de militant·es, intellectuel·les et artistes montrent à quel point la pensée critique et l’action collective restent des outils puissants pour construire un avenir meilleur.
Ce week-end-là, j’ai vu l’humanité dans toute sa splendeur
Les débats étaient pertinents et les rencontres festives. Les échanges, les éclats de rire, les discussions animées m’ont rappelé que, malgré les divisions qui rongent notre société, des lieux de bienveillance existent encore. Ce festival est une parenthèse hors du temps, un espace où il est possible de débattre sereinement.
Dans une société où l’extrême droite progresse, où la peur et la division gagnent du terrain, il est réconfortant de voir que des milliers de gens se rassemblent pour défendre des valeurs d’égalité et de solidarité. Cela redonne la conviction en la capacité de l’humain à rêver un autre modèle, à lutter ensemble contre l’injustice et l’indifférence.
Juste avant de partir, nous avons pris une dernière coupe de bulles et nous avons discuté avec une vieille militante présente, chaque année, pour tenir le stand de Normandie. À 82 ans, elle dort dans une tente, pendant une semaine, toujours aussi engagée dans une lutte contre un libéralisme débridé. Cette personne m’a touchée parce qu’elle m’a montré que non, la conviction ne s’amenuise pas nécessairement avec l’âge.
Avec ce week-end telle une parenthèse éclairée, j’ai ressenti un regain d’énergie, l’envie renouvelée de retrousser mes manches, de travailler à défendre les valeurs démocratiques, à encourager à l’engagement citoyen et à pratiquer un féminisme joyeux.
Ce festival est une preuve vivante que, même dans les périodes les plus sombres, des mouvements porteurs d’avenir continuent de germer. Ce week-end-là, j’ai vu l’humanité dans toute sa splendeur.
Si vos convictions en l’humain sont ébranlées, allez passer une journée à la fête de l’Humanité et revenez immensément riche… d’espoir, de force d’engagement, les yeux remplis d’une lueur certes indéfinissable mais brillante de mille feux.