Croire, espérer,(se) faire confiance et autres idées pragmatiques

Par Gaëlle Henrard déléguée au centre d’études des Territoires de la Mémoire

« Il se peut que croire en ce monde, en cette vie, soit devenu notre tâche la plus difficile1. »

Mais si nous y arrivions, cela changerait-il quelque chose ? Est-ce que cela aiderait ? Croire, espérer, faire confiance, se sentir capable… dans le fond, qu’est-ce que cela peut bien changer à nos engagements ou luttes politiques ?

Ne soyons pas naïfs…

Réfléchir sur l’espoir en termes de puissance politique pourrait sembler niais, un peu léger, ou apparaître arrangeant pour certains : oui, l’espoir peut réduire à un sentiment sans action, sans rébellion, et même sans volonté. De même pour la confiance ou la croyance, critiquables à différents égards quand elles nous font nous en remettre au pouvoir exercé par autrui. Non, il ne s’agit pas d’abandonner toute attente et exigence bien légitimes à l’égard des dirigeants dont certains s’accommoderaient bien de nous laisser nous débrouiller avec nos rêves. Et non plus de renoncer aux analyses et interpellations critiques sur les inégalités et discriminations structurelles, sur les rapports de force et les systèmes de domination qui se perpétuent en renvoyant les citoyen.ne.s à leur nombril et à leur responsabilité individuelle. Et il ne s’agit pas non plus de renoncer à la révolte et à ses manifestations.

Pour autant, on peut se demander ce que peut faire une idée, un état d’esprit, une disposition intérieure en matière de changements de société et de combats politiques, c’est-à-dire interroger leur puissance en matière d’effets et d’impacts. Ces dimensions, disons émotionnelles, comment nous affectent-elles en tant que sujets politiques, que nous font-elles et que nous font-elles faire, intimement et politiquement ? Qu’est-ce qui se noue là entre l’intime et le politique ? Parce qu’il faut bien dire que sans cesse il revient cet « à quoi bon ? », ce sentiment de désenchantement, cette rengaine qu’il est vain d’y croire, d’espérer, puisque c’est trop compliqué, et que de toute façon on ne peut plus faire confiance, et qu’en plus on est bien impuissant, la dévalorisation de soi n’étant jamais bien loin (ça, c’est le petit plus, ça dépend des gens). Or ce train de pensées « négatives », il a bien une puissance, un impact effectif sur nos vies : il démobilise.

Un individu qui s’estime est aussi un individu qui retrouve en lui « un centre de pouvoir », une autonomie, et qui n’attend plus des autres de prendre des décisions le concernant

Soyons pragmatiques : est-ce que cela aide ?

On ne va pas se mentir, nos contextes sociopolitiques, trop souvent, s’emploient à faire taire les « cris du peuple », les décrédibilisant à coups de discours2 sur la « responsabilité », la « pédagogie », et le sens du raisonnable (toutes choses dont il conviendrait de faire preuve pour faire avancer un peu sérieusement le monde « dans le bon sens »). Au prétexte aussi d’une « objectivité de la connaissance » détachées des contextes spécifiques et des particularismes3, la décrédibilisation des doléances des gens, parfois de leurs croyances, chercherait-elle à se prémunir de la « peur d’être dupe », selon les termes du philosophe pragmatiste4 William James ? La peur de se retrouver à croire quelque chose d’irrationnel, de faux, de stupide, de peu informé ou d’utopique, et qui autoriserait dès lors ces « opérations de disqualification de savoirs jugés illusoires et trompeurs5 ».

C’est dans le mouvement inverse qu’on peut faire le pari de s’inscrire : faire importer ces voix, de là où elles se font entendre, telles qu’elles se font entendre, de s’y rendre collectivement attentifs et de prendre le risque de les amplifier. Quitte à abandonner au passage la pureté de certaines théories qui auront à subir quelques égratignures. Mais de le faire en se demandant : une théorie, une idée, (ou une pratique), « comment transforme-t-elle l’univers auquel elle s’ajoute6 » ? Et est-ce que cela aide ?

Plutôt que d’« amincir » le monde, réduisant « les savoirs, les êtres et le monde à une seule et unique couche d’existence7 », pourrions-nous épaissir notre expérience du réel, nos conditions d’existence et de pensée à la lumière de cette méthode pragmatiste ? En d’autres termes : le contraire, pour ce qui nous occupe ici, de se méfier a priori des idées que les gens proposent, ou de craindre qu’ils le fassent. D’autant que Debaise et Stengers nous rappellent assez justement que, à l’inverse, « nous avons désormais de très bonnes raisons de nous méfier de ce monde “rationalisé”8 », aminci.

Première idée pragmatique : être expert·e

« Nous vivons dans un véritable cimetière de pratiques et de savoirs collectifs détruits9. »

Se rendre attentif aux revendications des gens de là où ils se trouvent, cela commencerait peut-être par reconnaître que, sur de nombreux enjeux sociopolitiques, ceux-ci ont construit une expertise10, c’est-à-dire qu’ils sont instruits « par l’expérience, par la pratique [et qu’ils ont ainsi] acquis une grande habileté ». Ils ont éprouvé un fait, une condition, une situation, et de façon souvent contrainte, ils ont dû porter attention, prendre en charge cette situation. En prise avec un quotidien que souvent eux seuls connaissent, ils savent quantité de choses que les personnes décisionnaires ignorent, un savoir qui présente en outre les avantages, d’une part, d’avoir été construit de façon expérientielle, et d’autre part de bénéficier de la légitimité de celui qui sait d’où part son exigence, de quel vécu, de quel ressenti corporel et psychique, c’est-à-dire à quels besoins concrets sa revendication est censée répondre. En ce sens donc, les personnes qui formulent des exigences politiques bénéficient d’une expertise (et d’une compétence) du vécu.

Il apparaît donc largement problématique que l’expression de ces personnes concernées, sur le coût de la vie, les soins de santé, l’écologie, le cadre spatial de leur vie, leurs difficultés à composer avec l’administration, les inégalités et les discriminations qu’elles subissent, etc., soit, au mieux, appréciée comme celle d’« usagers », de « bénéficiaires », éventuellement de « victimes », et au pire, de « consommateurs »… mais d’experts jamais. Didier Debaise et Isabelle Stengers rappellent combien ce qui a été érigé en « connaissance » s’est construit en « rupture avec le sens commun, les intérêts, les attachements, l’opinion » des gens. Et ainsi, « le progrès a-t-il donné à ceux qui s’en revendiquent la possibilité de prétendre appartenir au petit nombre des détenteurs héroïques d’un savoir sans attache, sourd aux protestations et aux cris des peuples11 ».

William James 1842

Problématique, ça l’est de surcroît en matière démocratique : les décisions prises sur tel ou tel fait de société impacteront lourdement de leurs conséquences les gens qui ne peuvent prendre part à l’élaboration de ces choix (et non, voter aux élections ne permet pas cela). Spécialiste de John Dewey (lui aussi philosophe pragmatiste), la philosophe Joëlle Zask rappelle que les citoyens qui forment un « public démocratique » sont ceux qui « souffrant de tel ou tel effet des circonstances doivent se chercher et se rencontrer, identifier le préjudice dont ils souffrent, définir sur cette base un intérêt commun et, finalement, le faire prévaloir dans les diverses arènes publiques, dont celles que constituent les instances représentatives du pays. Loin de se réduire à voter et à critiquer, la fonction qui revient au public consiste à définir ses intérêts ainsi que l’agenda du gouvernement auquel il est associé12. »

Des situations existent pourtant où cette parole gagnerait à être prise en compte, ou commence à l’être. Quand Christine Mahy, du Réseau wallon de lutte contre la pauvreté, parle des « experts du vécu » à l’égard des personnes qui vivent dans la pauvreté, il s’agit bien de personnes qui, par leur expérience, longue, répétée, parfois transmise, ont une connaissance précise, informée et particulièrement concrète de ce qu’est exactement la privation, la misère, mais aussi des errements administratifs et institutionnels. Les intégrer permet d’« intégrer le point de vue des ayants droits, [de] relever les freins d’accessibilité aux droits sociaux fondamentaux, [mais aussi de faire] des propositions d’amélioration en interne en termes d’accueil, de procédures, de communication, etc.13 ».

Plusieurs initiatives, en France et progressivement en Belgique, vont aussi dans ce sens dans le domaine de la santé avec la formation de « patients-partenaires » et « patients experts », permettant de dispenser des soins et traitements de meilleure qualité, plus efficaces, plus adaptés aux patients et à leurs réalités de vie, mais sans doute aussi de mieux former les soignants eux-mêmes.

Sur la question écologique encore, Juliette Rousseau, activiste et ancienne porte-parole de la Coalition climat 21, rappelle qu’« il y a une vraie expertise des populations, des mouvements sociaux, quand il s’agit de sujets qui les touchent directement ». Or les gens sont confrontés à un pouvoir qui refuse de l’entendre. Ainsi en vient-elle à se demander s’il n’y a pas une certaine « opportunité à continuer de nous maintenir dans une position de consommateurs “a-sensibilisés” », constatant que la Cop se trouve « délimitée à un espace officiel avec des personnes accréditées et des experts14 ».

Cette prise en considération des populations sur la question écologique pourrait pourtant s’avérer des plus bénéfique a fortiori dans certains contextes : Fatima Ouassak15, qui connaît bien les banlieues pauvres pour y avoir grandi, milité et travaillé, rappelle que l’écologie dans les classes populaires ne devrait pas faire l’économie d’un ancrage durable dans les lieux, de connaissance des réalités de vie et des fonctionnements des quartiers. Les mesures et gestes écologiques pensés ailleurs mais imposés à tous.te.s s’avèrent inappropriés, voire irréalisables. Ce qui est dommage, car s’adjoindre les populations qui habitent les lieux, et ont bien souvent à leur égard une attention et une affection, leur reconnaître une légitimité (ce dont elles sont privées) leur permettrait de réellement s’engager dans une « défense », notamment de type écologiste, de ceux-ci.

Ce pragmatisme avec et à partir des gens, n’augmenterait-ils pas les chances d’obtenir des effets positifs concrets et plus solides en matière de pauvreté, de santé, d’écologie, pour mieux vivre, mieux soigner, et pour mobiliser ? Mais a-t-on vraiment envie de cela dans le fond ? Ou plutôt qui en a réellement envie… et intérêt ?

Deuxième idée pragmatique : l’estime de soi, se sentir capable

« La confiance est contagieuse. Le manque de confiance aussi16. »

Disposer d’une expertise est une chose, se sentir capable en est une autre, et il est une étape dans ce cheminement qui ne semble pas être de trop : celle de l’estime de soi. C’est à la lumière du développement de Gloria Steinem, journaliste et militante féministe américaine qui publie début des années 1990 Revolution from within : a book of-self-esteem, que l’on mesure à quel point cette idée revêt un caractère révolutionnaire.

Certes, c’est dans les rayons « bien-être » et « développement personnel », ou dans les salles de yoga et de coaching, qu’il est le plus souvent question de l’estime de soi (où elle s’avère d’ailleurs assez lucrative et s’apparente à un luxe de privilégiés17). Elle s’avère par ailleurs assez commode quand il s’agit de considérer que chacun est responsable de son propre sort, permettant de surcroît de « prôner une positivité aliénante et [d’]interdire l’expression de la colère, de la tristesse, du désespoir18 ». Serait-il d’ailleurs possible de se révolter contre un système qui nous a habilement conduits à attribuer notre malheur à nos propres (et prétendues) insuffisances ? Et alors que, face au deuil, à la pauvreté, à la violence, il s’agirait simplement, et individuellement, de « prendre soin de soi ».

Pourtant, cette considération pour soi-même est tout sauf un « opium du peuple démobilisant19 » : prendre part aux mobilisations politiques s’avèrera compliqué si l’on a été, souvent depuis l’enfance, privé de la considération minimum nécessaire à tout sujet politique. En effet, « la misogynie, l’homophobie, le racisme, le colonialisme, l’éducation patriarcale répressive, avec les violences symboliques et/ou physiques qu’ils impliquent, produisent des effets intimes et profonds sur lesquels il est nécessaire de se pencher si l’on veut travailler à une libération à la fois individuelle et collective. L’oppression ne produit pas automatiquement de la révolte ; il faut donc s’intéresser aux mécanismes – parfois subtils, infimes – qui permettent la rébellion20. » Le propos est bien ici de considérer les liens indissociables entre ce qui fait une personne privée et un sujet politique. En outre faut-il rappeler combien, lorsqu’une personne raconte une histoire intime, souvent douloureuse, elle découvre que d’autres ont des histoires similaires. C’est ainsi qu’on passe de l’intérieur à l’extérieur, du « je » au « nous », c’est ainsi qu’on entremêle l’intime et le politique… et qu’on découvre qu’en fait, on est fort.e.s.

Un individu qui s’estime est aussi un individu qui retrouve en lui « un centre de pouvoir », une autonomie, et qui n’attend plus des autres de prendre des décisions le concernant. Cela le rend aussi moins manipulable. Gloria Steinem rappelle cette prise de conscience à son propre égard : « bien que mon éducation m’eût incitée à localiser le pouvoir presque partout sauf en moi-même, je prenais de plus en plus conscience de ce minuscule point de départ intérieur21 ». Reconnaissant le fait que « l’idée d’une autorité intérieure est dérangeante pour les individus qui sont habitués à chercher les ordres à l’extérieur – et plus encore pour ceux qui sont habitués à les donner22 ». Interrompre l’emprise du système sur notre image et notre récit de nous-mêmes, nous rendrait non seulement puissants, mais enrayerait en outre le pouvoir exercé sur nous.

Se posant quant à elle la question de la politisation du bien-être23, Camille Teste, elle-même professeure de yoga, propose de « subvertir », de « hacker » les pratiques de bien-être pour qu’elles deviennent un bien commun. En se donnant des balises : dans quelle mesure telle pratique est émancipatrice ? Ces pratiques se dressent-elles entre nous et les luttes ? En d’autres termes, l’estime de soi, le soin à soi24, constituent-t-ils un obstacle ou au contraire une aide à la mobilisation collective ?

À situations identiques, parfois l’issue diffère parce qu’on a, chevillé au corps, une considération et une estime de soi, de qui l’on est, de sa force et de sa puissance. C’est pragmatique !

Troisième idée pragmatique : confiance et croyance

« Il n’est pas de victoire, pas d’acte de courage qui n’ait à leur base un “peut-être”25. »

D’un sentiment d’assurance à l’égard de nos capacités personnelles, qu’en est-il de la confiance que nous pouvons nourrir à l’égard de nos pairs d’une part, mais aussi vis-à-vis des causes qui nous importent et des combats que l’on peut engager ? Il faut dire que notre héritage collectif en la matière apparaît peu rassurant : notre style de vie et notre éducation, notamment scolaire, sont grandement teintés de méfiance et d’inquiétude à l’égard des autres, et enrayent nos capacités à nous faire mutuellement confiance, à faire preuve d’un optimisme pourtant nécessaire quand il s’agit de se risquer à des initiatives collectives audacieuses. La confiance s’avèrerait-elle à ce point difficile ?

Isabelle Stengers et Didier Debaise nous rappellent pourtant le caractère mutualiste de la confiance accordée « qui permet à des parties indépendantes de coopérer, de former un “organisme social” [qui] est ce qu’il est parce que chaque membre accomplit son devoir avec la conviction que les autres en font autant26 ». Ils rapportent l’exemple (négatif) du pillage d’un train, proposé par William James : une poignée d’individus parviennent à tenir un train entier de voyageurs qui pourtant sont, en puissance et en nombre, bien plus forts que les assaillants. La différence ? Les pilleurs « peuvent compter les uns sur les autres, tandis que chaque voyageur considère la moindre résistance comme le signal d’une mort certaine qu’aucun secours ne saurait prévenir ; si chaque voyageur pouvait seulement croire que tout le wagon réagirait en même temps que lui, il résisterait individuellement, et le pillage serait impossible27 ». D’où cette phrase de William James : « la foi en un fait peut aider à créer le fait28 ».

Une autre dimension intéressante du caractère pragmatique de cette confiance ou croyance émerge du questionnement de la sociologue Benedikte Zitouni au sujet des luttes environnementalistes, quand celles-ci sont portées par des activistes animés par leur foi religieuse. Elle propose d’évaluer les convictions religieuses « à l’aune de ce qu’elles permettent29 », c’est-à-dire de leurs effets et conséquences pratiques sur la cause elle-même. En effet, « s’emparer de façon pragmatique de la question religieuse permet d’épingler les conditions et les situations dans lesquelles les convictions religieuses favorisent l’action publique dissidente30 ». De nouveau, la question est : est-ce que cela aide ? S’inspirant également de William James, ce qu’elle relève de déterminant, c’est que la foi religieuse confère à certains « la capacité à avoir confiance dans le présent ». Peu importe à vrai dire qu’il s’agisse de foi religieuse31, de croyance, ou de spiritualité, l’important ne serait-il pas que « cette confiance peut faire la différence » ? Ainsi nous rapporte-t-elle l’engagement d’activistes protestants qui secourent les migrants en mer Méditerranée déclarant : « La loi dit que nous ne pouvons pas aider les migrants mais nous disons qu’il y a une autre loi, celle de Dieu qui veut la solidarité et l’hospitalité dans ce monde32. » Ainsi la foi, plutôt que de n’être qu’affaire intime et privée, devient pour ces activistes « source d’exigences », les connectant « au monde à faire, à la sphère publique, pour y faire exister des alternatives33 ».

Dès lors, dans une situation de doute et d’incertitude radicale quant à l’issue de nos actions et la construction d’un avenir politique, lorsque des éléments nous manquent pour savoir comment et où aboutir, la seule chose qu’on puisse faire serait-elle de décider ce que l’on veut croire ? Peut-être, en effet, le sentiment de foi (c’est-à-dire de confiance, fides) n’a-t-il rien d’immanent, qu’on ne croit pas en soi, mais que ce sentiment peut émerger d’une décision que l’on prend et à laquelle on décide de s’appliquer. Ainsi, comme le dit la maxime pragmatiste face à la résolution d’une controverse : « quelle différence cela ferait en pratique si telle option plutôt que telle autre était vraie ? » Me revient une phrase prononcée par la philosophe Barbara Stiegler : « Ai-je envie de croire à cette hypothèse démocratique ? C’est une décision fondamentale qu’on prend ou pas34. »

Et donc ?

« Duperie pour duperie, qui nous prouve que la duperie par l’espoir soit plus pernicieuse que la duperie par la crainte35 ? »

Donc rien, rien de plus. Et pourtant… Pour ma part, je m’aperçois en effet qu’une idée ne fonctionne jamais aussi bien dans mon esprit et ne me met effectivement en mouvement, que quand j’y crois, que je nourris un réel espoir et que je bénéficie d’une dose minimale de confiance, quitte à « me raconter des histoires », à nourrir un « délire », à me « duper ». Se lancer dans un nouvel apprentissage, s’engager dans un mouvement, un collectif, aider des proches ou travailler à améliorer des situations difficiles, lutter contre des injustices qui se déroulent sous nos yeux, et même essayer d’aller bien… Si, par un essoufflement, une baisse de régime, ou juste la circonvolution de la terre sur elle-même qui m’amène au lendemain, une idée ne rencontre plus ma croyance ou ma conviction, sa mise en action a bien des chances de s’arrêter net et un projet de retomber comme un soufflé trop vite sorti du four. C’est pernicieux, cette affaire. Alors… peut-être, comme le dit encore Barbara Stiegler, ne faut-il pas « se hâter de considérer que c’est fini. (…) Les gens de gauche ont une espèce de pulsion de dire “on a perdu” qui revient en permanence. (…) La droite ne fait jamais ça. Elle avance toujours. Elle croit toujours en elle, elle a une énorme confiance en elle-même. À nous aussi de croire en nous. Avoir confiance en nous-mêmes36. » 

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