Archives de l'Aide-mémoire>Aide-mémoire n°82

Le Mot du Président (82)

Par Jérôme Jamin

Jérôme Jamin

Ce qui frappe lorsqu’on se replonge dans l’Allemagne des années 30, c’est la facilité avec laquelle, en quelques années, les nazis ont pris littéralement le contrôle de tous les leviers de pouvoir. Et à bien des égards ce qui doit retenir notre attention en 2017, ce n’est pas tant le profil des dignitaires nazis ou l’idéologie qui les animait, mais la nature complexe de la société qui a accepté de s’en remettre totalement à eux.

On dit souvent qu’Adolf Hitler est arrivé démocratiquement au pouvoir. C’est faux ! Les nazis ont respecté le processus électoral à plusieurs reprises (au début) mais dans une Allemagne qui n’était plus démocratique, depuis longtemps. Les institutions étaient fragilisées et discréditées, les partis politiques étaient rongés par la corruption et les divisions internes, les assassinats politiques, les règlements de comptes et les bagarres de rues étaient la norme. L’Allemagne n’avait plus de scène politique, sociale et culturelle structurée, elle était profondément divisée en factions avec une population de plus en plus atomisée. Atomisée au sens où de plus en plus d’individus étaient seuls, sans emploi, sans appartenance politique, sans encartage syndical, sans affinité associative, sans vie militante, sans intérêts culturels, bref sans valeurs et sans engagements, c’est-à-dire sans rien qui puisse les protéger de la grande et irrésistible camaraderie nazie.

Si l’extrême droite progresse un peu partout, la société en 2017 est bien différente de celle des années 30 en Allemagne. Et en Wallonie et à Bruxelles, les Territoires de la Mémoire et plus largement la Cité Miroir jouent un rôle fondamental contre l’atomisation de la société. L’association n’a pas pour seule vocation de lutter contre les extrêmes, elle éduque à la résistance et à la citoyenneté, elle lutte contre l’atomisation de la population. À la Cité Miroir, aux côtés du Centre d’Action laïque et de Mnema, les Territoires de la Mémoire proposent de l’engagement politique, de l’appartenance collective, du lien entre les gens, des valeurs pour fédérer un groupe, une programmation pour enrichir le débat, bref tout ce qui protège les gens de l’isolement, tout ce qui les empêche de devenir des « atomes » profondément seuls et isolés.