Archives de l'Aide-mémoire>Aide-mémoire n°74

Le mot de la présidente (74)

Par Dominique Dauby

En juin 2015, le Parlement européen décernait aux Territoires de la Mémoire le prix de Citoyen européen. Presqu’au même moment, Marine Le Pen, après des semaines de tractations, créait son propre groupe au sein du même parlement. Coïncidence qui témoigne des tensions que connaît l’Europe aujourd’hui, déchirée entre les valeurs démocratiques prônées et les pratiques d’exclusion aux conséquences dramatiques, mises en œuvre dans presque tous les pays membres.

En juin 2015 également, près de 70 000 réfugiés étaient déjà entrés en Grèce (Ils sont plus de 230 000 aujourd’hui), sans l’ombre d’un soupçon de soutien des autorités européennes pour leur assurer un accueil décent dont la Grèce n’était plus capable.

En septembre, l’Union européenne, faute d’un accord unanime, doit passer par un vote pour assurer l’accueil d’à peine 120 000 réfugiés… quand le Liban en compte 1,5 million et la Turquie 2 millions.

Depuis la Deuxième Guerre mondiale, l’Europe n’a plus connu de tels mouvements de populations et, depuis plus de 20 ans, elle joue l’autruche, renforçant le contrôle de ses frontières, tolérant la construction de murs par des pays membres tandis qu’un peu partout, centres de rétention et autres prisons ont pour seul résultat de stigmatiser les migrants, entretenir la peur et encourager les discours et politiques d’exclusion.

Car face aux guerres économiques et militaires qui les affament et les tuent, les femmes et les hommes qui veulent survivre n’ont d’autre choix que de se mettre en marche vers des jours meilleurs. À n’importe quel prix, y compris leur vie.

Si les dirigeants européens, par incompétence ou lâcheté, semblent l’ignorer, le monde associatif, les organisations syndicales et autres ONG savent que l’Europe entre dans une nouvelle phase de son histoire et que de la manière dont elle fera face dépendra son avenir démocratique.

Travail de mémoire, d’éducation, actions concrètes de solidarité, nous mettons tout en œuvre pour soutenir l’accueil des réfugiés, favoriser la connaissance des un/es et des autres, faciliter les rencontres. Ce travail de terrain est indissociable de prises de position, de revendications politiques : l’Europe et son Parlement ne peuvent tolérer que Viktor Orban pointe ses armes sur les réfugiés, les discours fielleux de Bart De Wever ne peuvent rester sans réponse et qu’on ne s’y trompe pas : la pauvreté chez nous est le fruit de choix politiques et économiques, pas la conséquence de l’accueil de réfugiés. Ne laissons pas courir ces mensonges !