Archives de l'Aide-mémoire>Aide-mémoire n°71

Le mot de la présidente (71)

Par Dominique Dauby

Après les assassinats de ces 7, 8 et 9 janvier 2015, les condamnations sont venues de toutes parts, y compris de pays où la liberté d’expression est piétinée quotidiennement, où toutes les communautés ne jouissent pas, loin s’en faut, des mêmes droits, y compris de dictatures… Leurs représentants ont osé participer à la grande manifestation qui a rassemblé plus d’un million de personnes à Paris le 11 janvier. Le gouvernement français a osé les accueillir, quand il ne les a pas invités.

Des Juifs ont été tués parce que Juifs, des caricaturistes et leurs collègues ont été tués parce que libres, sans oublier une policière qui réglait la circulation et deux policiers morts lors de l’attaque de Charlie Hebdo. L’hypocrisie de certaines condamnations ne doit rien enlever à la nôtre, totale, sans réserve. Les récupérations écœurantes ne doivent pas ternir l’émotion sincère, très forte, qui a rassemblé plusieurs millions de personnes en France et ailleurs. La colère, la peur, la compassion pour les victimes, la rage de rester debout et libres, s’exprimaient dans la foule.

En Seine Saint-Denis, quatre enseignant/es interrogent la responsabilité de leur société (qui pourrait être la nôtre) : « Ceux de Charlie Hebdo étaient nos frères : nous les pleurons comme tels. Leurs assassins étaient orphelins, placés en foyer : pupilles de la nation, enfants de France. Nos enfants ont donc tué nos frères. Tragédie. Dans quelque culture que ce soit, cela provoque ce sentiment qui n’est jamais évoqué depuis quelques jours : la honte. (…)Personne, dans les médias, ne dit cette honte. Personne ne semble vouloir en assumer la responsabilité. Celle d’un État qui laisse des imbéciles et des psychotiques croupir en prison et devenir le jouet des pervers manipulateurs, celle d’une école qu’on prive de moyens et de soutien, celle d’une politique de la ville qui parque les esclaves (sans papiers, sans carte d’électeur, sans nom, sans dents) dans des cloaques de banlieue. Celle d’une classe politique qui n’a pas compris que la vertu ne s’enseigne que par l’exemple. (…) Alors, ouvrons les yeux sur la situation, pour comprendre comment on en arrive là, pour agir et construire une société laïque et cultivée, plus juste, plus libre, plus égale, plus fraternelle. (…) Nous sommes Charlie (…) nous sommes aussi les parents de trois assassins.» (blog.mondediplo.net/-nouvelles-d-orient-)

Nous entendrons encore beaucoup parler de sécurité, peu des personnes broyées par les injustices, exclues du droit minimum à des allocations sociales, emprisonnées pour défaut de papiers. C’est là que le monde associatif et nombre de citoyen/nes s’engagent quotidiennement, c’est là qu’il faudra se faire entendre. Après les tueries haineuses de janvier, il n’est pas, ne sera pas facile de maintenir le cap vers la générosité, la tolérance, la démocratie.

C’est pourtant notre seul avenir souhaitable et possible, celui qui nous mobilise plus que jamais.